Vallée d'Eyne, Pyrénées Orientales, entre 1600 et 2100 m. le 7 août 2013
Aux portes de l’Espagne, de l’Andorre et de la France se trouve une vallée, connue comme un joyau pour les botanistes. De cette vallée qui commence au dessus du village d'Eyne (66), démarre un très bon sentier qui peut mener au col de Nuria à plus de 2600 m.
Pour organiser cette sortie ça a déjà été une histoire. Initialement prévue vers mi-juillet, dans le secteur du Néouvielle dans les Pyrénées centrales, la météo et ses caprices avaient décidé de nous jouer un mauvais tour. On reportait la sortie de week-end en week-end. On décida alors de se lancer à l'assaut du col du Puymorens, c'est à dire juste près d'Andorre.
En contact avec Jean-François, un paysan local amoureux de la flore et qui partage sa passion et pas que !!! Bref, il aura la brillante idée de nous inviter à la partager avec la Société Botanique et Mycologique de la Catalogne Nord (SBMCN).
J'arrive plus tôt avec un ami, le temps de faire un rapide relevé autour du parking et surtout vérifier la présence d'un chiendent local Endressia pyrenaica, cette petite carotte de 30 cm est endémique des Pyrénées Orientales, vraiment abondante dans le département. Au final, nous relevons une bonne trentaine d’espèces dont : Sempervivum arachnoideum, Gentiana lutea, Paronychia kapela... Rien de bien exceptionnel, mais déjà très intéressant.
Le bus de presque 30 personnes dirigées par un guide de la SBMCN, Laurent, et sous la coupe du botaniste Jean-Marc et de Monique la scribe du groupe arrive…Il est décidé d'aller vite au départ pour espérer arriver au deuxième orrhy (cabane de berger en pierre), et voir le maximum de plantes.
Le groupe progresse d'abord dans un bois sombre et frais couvert d'hépatiques, de Prunella hastifolia, mais surtout de Goodyera repens, une petite orchidée aux fleurs blanches et aux feuilles caractéristiques. Rapidement on émerge de la forêt, et c'est la ripisylve* qui nous accompagne avec le bruit du torrent. On se retourne et là c'est le Carlit qui se dévoile, droit dans l'axe de la vallée ! il ne nous lâchera plus.
On se dirige à vue sur un flanc de montagne : objectif une petite plante Erigeron atticus seule station des Pyrénées !!! et Astragalus penduliflorus, une petite merveille toute jaune et rare dans les Pyrénées. A noter aussi Thesium pyrenaicum, Linaria repens, Achillea ptarmica subsp. pyrenaica, Aster alpinus. "
Le sentier rejoint, on tombe nez à nez avec une grande fleur bleue, non pas l'aconit qui lui ressemble bien, mais un delphinium, Delphinium montanum, plante peu commune. On rencontre parfois sa sœur dans les chaumes après les moissons. On s'attarde sur quelques graminées et carex. Le groupe, lui, est déjà loin et traverse le torrent pour rejoindre des pelouses alpines. On approche déjà les 2000 m d'altitude et tout le monde commence à ressentir la fatigue. Laurent comprend bien qu'on n'ira pas beaucoup plus haut, mais on a réussi à rejoindre son premier objectif : le second orrhy.
Mais avant ça il faut remonter une source, la flore change alors radicalement. Plus un arbre, que de l'herbe souvent rase où paissent quelques vaches et chevaux. On y trouve quand même une belle plante, la potentille arbustive Potentilla fructicosa, quelques grassettes, Pinguicula grandiflora qui ont résisté à la chaleur. Mais surtout on trouvera la première gentiane bleue, enfin bleu vite dit, car elle est plutôt violette Gentianella campestris... Il y avait aussi quelques pieds de Pedicularis pyrenaica et des pieds grillés d'orchis grenouille. Enfin on arrive à la cabane, mais vite on repère de gros rochers pour s'asseoir à l'ombre : la pause est longue, plus de 2 h.
Mais en montagne, qui dit rochers, dit fleurs. Saxifrages, campanules, primevères et même violettes, une belle liste sur ces rochers schisteux : Saxifraga pubescens, Saxifraga exarata , Campanula rotundifolia, Primula latifolia, Nigritella austriaca, Thalictrum alpinum, Silene ciliata,Viola biflora d'un beau jaune. Et surtout Gentiana alpina, Gentiana nivalis.
Laurent nous fait signe qu'il est temps de commencer à redescendre, mais il nous réserve une dernière surprise de taille. Le matin en partant on a rencontré des gardes du parc. Ils étaient là, ce jour, en opération spéciale de surveillance ! Ils nous ont informés avoir vu Botrychium simplex, une fougère haute de 2 cm, que l'on peut trouver pas loin des sources. Actuellement il n'est connu qu'une station au col de Puymorens. Autant dire qu'il ne fallait pas nous dire ça, et c'est parti pour 2 heures de recherche à quatre pattes, dans des sources à scruter chaque brin d'herbe. Pour information, sur la station connue, ils avaient mis 2 h à la trouver sur un carré de 2 m². Là il fallait fouiller tout un flanc de montagne. L'expression rechercher une aiguille dans une botte de foin était bien bonne, mais on ne trouvera jamais l'aiguille. Juste de faux espoirs, mais on aura trouvé fleurie Gentiana pyrenaica qui nous illuminera de ses dix pétales : elle est endémique de l'est des Pyrénées. Il commence alors à se faire tard, la liste de plantes déjà vues est déjà longue. Je sais qu'on aura raté le grand spectacle qui aurait pu nous attendre si on avait rejoint le col.
On est sur un rocher, rapidement on retrouve la primevère Primula latifola et la potentille des neiges Potentilla nivalis. Mais une plante m'intrigue, Laurent arrive et me dit qu'il ne la connaît pas. On sort les flores car je pense à une drave, sans en être certain. On arrive à la conclusion Draba siliquosa subsp. carinthiaca, on en trouvera un seul pied. Le soir après des recherches, nous constatons que cette plante n'avait pas été vue depuis 1947 dans le secteur !
Maintenant on ne pense qu'à redescendre, on regardera juste quelques points, les différences entre gentianes et vératres. Vite fait on remarquera quelques pieds de Sedum hirsutum dans une source.
Il est 17 h quand on arrive aux voitures, après une journée bien ensoleillée et bien remplie. Un grand merci à Jean-François
Texte et photos Sylvain Dirat